Difficile de trouver les mots justes pour parler d’un tel coup de cœur. Rebecca, c’est typiquement ce roman que j’ai toujours voulu lire mais que j’ai toujours eu peur de commencer. Peur de sa longueur, peur de ne pas maîtriser la langue, peur d’être déçue. Je me souviens avoir regardé un bout de l’adaptation d’Hitchcock il y a quelques années : je connaissais donc l’atmosphère mystérieuse de cette histoire sans pourtant en connaître la fin. C’est mieux, vous me direz, de ne pas commencer un thriller lorsque l'on connaît déjà son dénouement... J’ai donc fini par me lancer, en VO. Malgré les quelques jours s’étant écoulé depuis la fin de ma lecture, le fantôme de Rebecca continue de me hanter et j’ai l’impression de ne pas avoir quitté Manderley.
Les points forts de cette histoire, ce sont d’abord ses personnages. Une héroïne, sans nom et sans identité propre, qui cherche désespérément à être la plus parfaite possible pour l’homme qu’elle aime, le sombre et tourmenté Maxim de Winter, propriétaire d’une célèbre maison en Cornouailles. La nouvelle Mrs de Winter, qui nous raconte son histoire, est très probablement l’une de mes héroïnes préférées toutes lectures confondues. Derrière son envie de bien faire et de devenir la meilleure maîtresse de maison possible se cache une insécurité profonde et une angoisse d’abandon liée à son histoire dont on sait finalement peu de choses, si ce n’est qu’elle est seule au monde, sans famille et sans héritage. Elle s’investit corps et âme dans cette nouvelle vie qu’elle n’a pas l’impression de mériter et qui lui réserve de nombreuses mauvaises surprises. Cette héroïne est attachante car humaine, j’ai rapidement pu m’identifier à elle et suivre le cours des événements comme si j’étais celle qui les vivait. Elle est donc aux antipodes de Rebecca, l’ancienne Mrs de Winter, morte noyée un an auparavant. Dès le début de sa relation avec Maxim, l’héroïne se retrouve confrontée au fantôme de l’autre femme, celle qui continue d’hanter toutes les personnes l’ayant connue et Manderley. Comment rivaliser avec une morte ? Toutes les pièces de la maison sont marquées par sa présence et notre héroïne ne peut que se retrouver confrontée à elle à travers la personne de Mrs Danvers, l’effrayante gouvernante de la maison. Tout vient lui rappeler qu’elle n’est pas Rebecca, que Rebecca était plus appréciée, mieux faite pour ce monde, plus belle et intelligente. Enfin, Max de Winter est un protagoniste profondément complexe. S’il semble parfois dur, indifférent, voire hautain, son caractère se révèle tout au long de l’histoire et je l’ai tout bonnement adoré (bon, j’ai peut-être aussi un petit crush sur Laurence Olivier dans l’adaptation de 1940)... Mais le meilleur de cette lecture est, pour moi, l’atmosphère qui se dégage du récit. Qu’il s’agisse de descriptions de lieux ou de dialogues, l’ambiance générale mystérieuse et gothique m’a complètement happée. Au fil de ma lecture, les décors me sont apparus très clairement et j’ai pu m’immerger dans les scènes en ayant l’impression d’en faire partie intégrante. Les visuels sont aussi important que les pensées de l’héroïne et le tout est parfaitement articulé, parfaitement bien dosé. Il en va de même pour le suspense et la façon dont l’autrice a réussi à le faire grimper, page par page. Enfin, jamais je n’ai été aussi surprise par une révélation que par celle de ce roman. Malgré toutes les possibilités de dénouement que j’envisageais, j’ai littéralement lâché le roman. Ce n’est pas qu’une expression, il m’est tombé des mains. Je m’attendais à tout, sauf à ça. En bref, comme je le craignais, cette chronique n’est pas à la hauteur de l’amour que j’ai pour ce roman. Je ne peux que vous conseiller de le lire. Son écriture magnifique, la construction de ses personnages et son intrigue prenante dépassent de loin les mots que j’emploie pour les décrire. En tout cas, une chose est sûre : je suis loin d’oublier Manderley et Rebecca. Cette histoire dépasse toutes celles que j’ai pu lire cette année.
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J’ai passé une bonne partie de mon année de Première à étudier les réécritures du mythe de Médée. De Corneille à Gaudé, le portrait de la petite-fille du Soleil infanticide n’a cessé d’évoluer au fil des siècles. Pourtant, cette histoire n’a pas attendue le XXIème siècle pour se doter d’une profondeur véritablement féministe.
Médée, c’est la rébellion d’une femme ayant sacrifié tout ce qu’elle avait pour un homme, Jason, dont elle finira par s’affranchir en lui reprenant ses enfants et héritiers, sacrifice ultime de celle qui ne pouvait plus supporter de vivre dans l’ombre de qui que ce soit. La complexité du personnage réside avant tout dans les paradoxes qu’elle incarne : la figure maternelle mais cruelle, l’amour démesuré mais la soif de vengeance, la divinité mais des émotions extrêmes et profondément humaines. C’est ainsi que David Vann la voit : « Née pour détruire les rois, née pour remodeler le monde, née pour horrifier et briser et recréer, née pour endurer et n’être jamais effacée ». Si Euripide, il y a 2500 ans, évoquait déjà la volonté d’affranchissement de Médée, cette version contemporaine assume pleinement cette dimension féministe. Il y a l’amour pour Jason, bien sûr - amour qui, chez Anouilh, sera le moteur de la folie meurtrière de l’héroïne entière dans sa douleur - mais ici, Médée est muée par sa volonté de ne plus être esclave des hommes, de marquer l’Histoire et le monde par sa personne complexe et terrifiante, d’être crainte en tant que femme libre, en tant que Médée. Mais l’Obscure Clarté de l’Air brille aussi de part son écriture incomparable, brute et entière, ne laissant aucune sensation au hasard. Nous voyageons avec Médée, nous sentons le sang de son frère sur ses mains à bord de l’Argo, nous plongeons dans l’océan immense et reflet d’un cosmos qu’elle questionne en invoquant Hécate et Nout, déesses Grecque et Égyptienne et femmes, elles-aussi, à l’origine du monde et de la nuit. Mais plus que tout, nous ressentons la rage de Médée, une rage ne datant ni de la trahison ni de l’esclavage. Une rage jamais latente, toujours pleine et assumée. À travers la poésie se dégageant des mots de David Vann, Médée est une nouvelle fois renouvelée et une nouvelle fois unique. Je pense qu’il est important de se renseigner un peu sur le mythe avant de se lancer dans cette lecture. L’écriture y est si riche qu’elle m’a requis une concentration important : j’aurais été rapidement frustrée s’il m’avait fallu chercher des informations sur les personnages au beau milieu de ma lecture. J’ai également beaucoup aimé les influences de la mythologie égyptienne qui viennent renforcer l’originalité de cette réécriture. Le seul défaut que j’ai trouvé à cette lecture vient du rythme - bien que je comprenne l’importance de la traversée en mer dans la construction du personnage de Médée, celle-ci prend presque la moitié du roman et j’aurais aimé plus de chapitres sur le rapport de l’héroïne à la maternité qui est, à mes yeux, l’un des éléments les plus intéressants du mythe. En bref, cette lecture est un véritable coup de cœur.
Comme je ne lis que très peu de contemporains, je ne savais pas du tout à quoi m’attendre avec Changer l’eau des fleurs de Valérie Perrin. Ce roman, sorti il y a un peu plus de deux ans chez Albin Michel, a fait beaucoup de bruit tout au long de l’année 2018. Partout sur la blogosphère ou dans la presse littéraire, ce titre semblait en avoir marqué plus d’un. Oui, il s’agit d’une énième chronique venant louer la beauté de cette histoire - oui, Changer l’eau des fleurs est un véritable coup de cœur. Et oui, vous allez pleurer. Rire aussi, mais surtout pleurer.
Violette Toussaint, comme le résumé l’explique mieux que moi, est une femme haute en couleurs. Derrière ses manteaux sombres se cachent des robes fleuries et cette garde-cimetière connaît la vie de tous les résidents de son jardin. Sa vie avance tranquillement, entre les enterrements et les repas avec ses amis des pompes funèbres et le Père Cédric, mais une question reste en suspend : comment Violette en est-elle arrivée là ? À travers sa rencontre avec Julien, un policier marseillais venu enterrer sa mère, les fantômes de Violette vont refaire surface. Changer l’eau des fleurs, c’est un roman qui prend son temps. Tout au long de l’histoire, Valérie Perrin déroule la vie de Violette en la croisant parfois avec celle d’Irène, un autre personnage important appartenant au passé. Car dans ce livre, on mélange les intrigues et les chronologies, mais le tout est exécuté avec brio : jamais je ne me suis sentie dépassée par le changement d’époque ou de personnage là où, d’habitude, je suis difficilement convaincue par cette façon d’aborder une histoire. Au contraire, Valérie Perrin a réussi à rendre toutes ses intrigues intéressantes mais surtout nécessaires les unes pour les autres. Mais ce qui m’a le plus marqué, ce sont les personnages. Quelque soit leur importance ou leur présence dans l’histoire, ils sont tous dotés d’une complexité et d’une profondeur les rendant complètement uniques. Philippe est pour moi le plus réussi. À mi-chemin dans le roman, je n’aurais jamais cru pouvoir ressentir de l’empathie pour lui, et pourtant, c’est un personnage complet, construit du début à la fin, marqué par le même drame que Violette... Peut-être pas excusable, mais explicable. Ce roman est une ode à la vie ayant comme sujet principal... la mort. La mort dans toutes les significations qu’elle peut avoir : la mort du corps, de l’âme, de l’amour, du bonheur. C’est une ode à la vie justement parce que, même dans les moments les plus douloureux de l’histoire, Valérie Perrin attrape son lecteur pour le sortir de l’eau. Pour lui offrir d’autres possibilités de renaissance, pour lui permettre de rire alors que ses joues sont encore trempées de larmes. Malgré cette description mélodramatique et, somme toute, assez clichée, Changer l’eau des fleurs ne ressemble à aucun autre roman du genre. C’est en cela, je crois, qu’il a autant marqué les lecteurs : personne ne peut s’attendre à une telle histoire, même après avoir lu de nombreuses chroniques. Personne ne peut rester indifférent face à la douleur de Violette, surtout quand celle-ci est aussi magnifiquement présentée. Car Valérie Perrin est une autrice avec de la voix : si ses personnages sont aussi humains, c’est notamment grâce à une prose naturelle, parfois cruelle (certaines phrases m’ont arraché des larmes pour leur seule beauté...), mais tellement poétique. Je pourrais parler de sa plume pendant des heures, mais cette dernière parle pour elle-même : voici mon argument ultime pour vous faire lire Changer l’eau des fleurs. Vous vous devez, au moins, de le lire pour son écriture si belle et si touchante. Ce roman fut une formidable découverte. À cause de tout ce que j’ai pu lire à son sujet, j’ai eu peur d’être déçue, mais il n’en fut rien. Même avec de très hautes attentes, Valérie Perrin a réussi à me surprendre et à me briser le cœur - puis à me le recoller en un seul morceau, petit bout par petit bout. Je vous encourage, tous, à la laisser vous réparer le cœur à votre tour. Je vous promets que ça en vaut la peine.
Cat Street, c’est donc l’histoire de Keito, hikikomori. Ce terme très dévalorisant au Japon désigne une personne coupée du monde et de la société, littéralement recluse dans sa chambre sans jamais en sortir. Ce retrait social est un trouble psychologique qui a condamné la jeune femme à ne jamais aller à l’école de ses 7 à ses 16 ans. Cette forme de dépression s’abattit sur elle après l’échec de sa carrière d’enfant-actrice, et à cause de la trahison de sa seule amie à l’époque, sa confiance en elle et en ses rêves s’est effondrée. Le manga commence donc par l’échec de la jeune fille… et raconte, tout au long des 8 tomes, sa renaissance. Entrer à El Liston, lycée actif pour les élèves déscolarisés et inadaptés à un cursus normal, sera pour Keito un moyen de rencontrer les premières personnes la comprenant vraiment. Tous les quatre, Keito, Rei, Momiji et Koichi, sont des chats errants : avec leurs personnalités extravagantes et introverties, leur décalage avec le reste du monde, leurs craintes et leurs rêves, trouver le chemin du bonheur est un périple nocturne. Et pourtant, en se rencontrant finalement, ils ont appris à être heureux. Ensemble.
A travers le thème principal – s’insérer dans une société ne prenant pas en compte les spécificités de chacun -, Yoko Kamio signe une ode à l’amitié et à la force des rêves. La mangaka ne prive aucun de ses personnages de complexité et de qualités. Il n’y a pas de bons ou de mauvais, il n’y a que des êtres fêlés exprimant avec peine leurs insécurités. Keito est une héroïne à laquelle je me suis beaucoup identifiée. Ce n’est ni le lieu ni le moment de m’épancher sur ma vie personnelle, mais finalement rencontrer des personnes extraordinaires après des années de solitude m’a procuré les plus grands moments de bonheur de ma vie. Quand j’étais plus jeune, ces mangas me touchaient déjà énormément. Mais je pense que ceux ayant vécu une adolescence compliquée pourront d’autant plus comprendre Keito. Enfin, parlons des dessins. Encore une fois, je ne lis pas beaucoup de mangas, mais je peux vous assurer que ceux-ci sont particulièrement magnifiques. La douceur des traits de Kamio me semble convenir parfaitement à l’état émotionnel dans lequel je me suis retrouvée en fermant le dernier tome : apaisée. Ma conclusion tient en trois mots : lisez cette série.
Son destin tragique est celui d'une femme douée dé talents, d'une beauté et d'une énergie exceptionnels, à la fois démesurément ambitieuse et profondément blessée par une histoire familiale douloureuse, puis par l'échec de son mariage. Son cheminement est celui d'une femme de lettres dans la création, avec ses passions, ses luttes et ses contradictions. L'histoire de sa vie se confond avec la détermination à faire de soi un grand écrivain et à en payer le prix. J'ai découvert Sylvia Plath l'an dernier, assez par hasard, alors que je cherchais à élargir mes connaissances poétiques. Ses poèmes, que j'ai tout de suite décidé de lire en VO, m'ont donné du fil à retordre. Non seulement il est bien plus difficile de lire un poème dans une langue étrangement que ce que je croyais, mais de plus, cette barrière linguistique m'a rapidement gênée dans la compréhension et l'analyse d'une oeuvre complexe qui m'intéressait de plus en plus, jour après jour. Ma famille a donc eut la brillante idée de m'offrir cette biographie française pour Noël. Comme je n'en lis pratiquement jamais, je n'aurais sans doute par pris l'initiative de me la procurer moi-même. Je peux maintenant le dire : ce fut un cadeau merveilleux.
J'ai longtemps cru que les biographies n'étaient que des énumérations indigestes de faits précis et décousus. Qu'est-ce que nos préjugés peuvent être stupides ! Dans Mourir pour Vivre, nous parcourons la vie de Sylvia de sa naissance à son suicide à l'âge de 30 ans, certes, mais chaque fait relaté dans ce livre fait écho à un autre et, plus généralement, est en lien direct avec l'enfance de la poétesse. Sans doute serait-il réducteur ou maladroit de qualifier cette biographie de psychanalyse de Sylvia Plath, et pourtant, Patricia Godi a fait un travail colossal pour permettre à ses lecteurs de mieux comprendre celle femme blessée et son oeuvre marquée par le décès prématuré du père (et sa recherche de figure paternelle...). Cette biographie relate d'une métamorphose, du traumatisme d'abandon d'une jeune enfant à la rébellion d'une femme accablée par le manque de crédit accordé aux femmes en son époque, et précisément aux femmes artistes. Son rapport à la maternité m'a également beaucoup intéressé. Sylvia n'a pas toujours été la femme affranchie et révoltée qui signa Ariel, son recueil le plus célèbre ; Patricia Godi nous fait découvrir, à travers une analyse remarquable, le paradoxe de la poétesse, ses craintes et ses espoirs, le décalage entre la facette qu'elle dévoilait au monde artistique et sa propre opinion d'elle-même. Découvrir Sylvia Plath à travers Patricia Godi m'a ouvert la porte de son univers que je n'ai pas tardé à franchir. J'ai en ma possession un recueil, une éditions des journaux de la poétesse mais surtout The Bell Jar, son célèbre roman, que je n'ai pas tardé à commencer après ma lecture de Mourir pour Vivre. Grâce à cette biographie, j'ai pu lire le roman en assimilant immédiatement les événements de la vie de Sylvia et ceux de son personnage, Esther Greenwood. Je suis donc très heureuse d'avoir reçu ce livre que je recommande à tous ceux qui souhaiteraient s'intéresser à la magnifique Sylvia Plath. Il est parfait, en tout point. |
AuteurMathilde, 17 ans, passionnée de lecture et d'écriture ! Retrouvez moi sur Instagram et Booktube ! Archives
Mai 2020
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